La pomme de terre a la patate

IL ÉTAIT UNE FOIS LA POMME DE TERRE ...

La patate dont l’origine provient des civilisations précolombiennes, au cœur de la cordillère des Andes, est consommée depuis l’ère néolithique et cela fait donc maintenant 8 000 ans que l'homme la cultive. Ce tubercule, à la mauvaise réputation, n’apparaît en Europe qu’au XVIè siècle (c’est peu de chance quand on voit les miracles que l’on peut faire avec !).

C'est dans la région du lac Titicaca que la culture de la pomme de terre s’est généralisée. Les Tiwanaku, une civilisation pré-inca, parviennent à domestiquer la patate, qui est à la base en partie toxique. Elle devient par la suite un élément essentiel, au même titre que le maïs, de leur culture : non seulement elle est à la base de leur alimentation, mais elle devient même l'objet d'un culte. Dans la mythologie des Incas, Axomama est la déesse de la pomme de terre. Dans la culture Moche, on la personnifie sous forme de vases de cérémonie en terre cuite.
Alors oui, je sais, toutes ces révélations peuvent faire rire (une déesse de la patate …) mais je vous assure que c’était du sérieux à l’époque.

Il faut attendre l'arrivée des conquistadors pour que la pomme de terre quitte l'Amérique. Le conquistador espagnol Pedro de Cieza de León la définit sous le nom de "papa" et raconte comment les populations locales la font sécher au soleil et que la tubercule, ou turma de tierra (pour truffe de terre), une fois sèche, est nommée "chuno". Avec les conquistadors, la pomme de terre commence son périple à travers le monde, d'abord aux îles Canaries, puis en Europe. Débarquée en Espagne, elle prend rapidement le nom de "patata", plutôt que "papa" et pour cause, en Espagnol le mot Papa désigne le pape (ils ont de l’humour les espagnols dis-donc).

Mais la pomme de terre est surtout davantage considérée pour ses vertus thérapeutiques que culinaires. On la retrouve ainsi plus facilement dans les hôpitaux que dans les cuisines, où elle est employée pour soigner l’ eczéma, les brûlures et les calculs rénaux. Le roi Philippe II d'Espagne ira jusqu'à envoyer des plants de pomme de terre au pape Pie IV pour l'aider à combattre la malaria. 
Il faut attendre le milieu du XVIIe siècle pour que la pomme de terre soit consommée. Mais avant d'être acceptée comme un aliment digne de ce nom, elle a surtout pour principale utilité d'endiguer les famines.
En France, c'est Antoine Parmentier, le précurseur de la chimie alimentaire, qui va donner à la “patate” ses lettres de noblesse. Prisonnier au cours de la Guerre de Sept Ans, il est contraint de se nourrir de pommes de terre au cours de sa captivité et découvre qu'il n'est pas malade.

En 1772, la faculté de médecine de Paris déclare, grâce aux recherches de Parmentier, que la consommation de la pomme de terre est sans danger. Alors que la sécheresse sévit en 1785, le chercheur parvient à obtenir l'appui de Louis XVI pour pousser la population à consommer le fameux féculent grâce à une ruse restée célèbre : pour convaincre la population de s'y intéresser, Antoine Parmentier fait planter le tubercule dans des champs gardés par des soldats armés le jour, mais sans protection la nuit... Et voilà que la pomme de terre, objet de convoitise, est pillée à la nuit tombée. Grâce au stratagème, elle se diffuse peu à peu dans le bassin parisien. Louis XVI remercie alors Parmentier d'avoir "inventé le pain des pauvres".

La patate est cependant encore loin d'être devenue un produit alimentaire courant. Il faut attendre les grandes famines de 1816, au sortir des guerres napoléoniennes, pour que ce tubercule devienne un élément essentiel de l'alimentation. L'"Année sans été", avec un climat extrêmement perturbé, détruit une grande partie des récoltes d'Europe. Seule la pomme de terre reste un mets de choix car sa production reste élevée.
Peu à peu, elle s'impose comme un élément prédominant des régimes alimentaires européens, au point de devenir centrale dans certaines agricultures.

Deux siècles plus tard, la pomme de terre est devenue l'un des aliments les plus consommés au monde, et sous de multiples formes. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avait ainsi fait de l'année 2008 l'année internationale de la pomme de terre pour pousser à sa consommation, relevant qu'il s'agit de la principale denrée alimentaire non céréalière du monde, facile à cultiver et à la teneur énergétique élevée. 

mais AU FAIT C’EST QUOI UNE PATATE ?

Une pomme de terre pèse entre 80 et 320 grammes selon le calibrage. La couleur de la peau et de la chair varie du jaune pâle au violet en passant par le rose. Plus ou moins grosse, la pomme de terre possède une pulpe aux textures différentes selon les variétés.

D’un apport calorique modéré, la pomme de terre est très riche en glucides. Elle apporte également des vitamines et des nutriments. C’est une véritable source d’énergie en hiver.
La pomme de terre se consomme exclusivement cuite. Elle se prête à de nombreuses préparations gourmandes, poêlées, vapeur, en purée, au four ou en potage.
La France compte plus de 150 espèces classifiées selon la texture de leur chair et leur usage culinaire. On peut néanmoins les classer comme ceci :

• Les pommes de terre à chair ferme qui contiennent peu d’amidon
• Les pommes de terre à chair fondante qui en contiennent un peu plus
• Les pommes de terre à chair farineuse très riches en amidon

Les pommes de terre se conservent toujours dans l'obscurité, dans un endroit aéré et sec, entre 8 et 10 °C. La conservation au réfrigérateur les ramollit et modifie leur goût.

ON EN FAIT QUOI DE LA PATATE ?

• À l’eau ou à la vapeur

Préférez les variétés à chair ferme. Démarrez la cuisson dans une eau salée froide afin d’obtenir une cuisson homogène. Pour conserver leur saveur et pour qu’elles restent bien fermes et qu’elles conservent leurs fibres, favorisez la cuisson en “robe des champs” c’est à dire avec leur peau et entières.
L’autre alternative est la cuisson en cocotte-minute.

• En purée

Choisissez une pomme de terre à chair farineuse telle que la Bintje. Pour que la purée soit onctueuse il est préférable de cuire la pomme de terre avec sa peau et de la peler après sa cuisson. Il est crucial d’écraser les pommes de terre avec un presse-purée ou un moulin à légumes si vous ne voulez pas que votre purée soit gluante et collante.
Ajoutez enfin un peu de matière grasse et de lait pour éviter que votre purée ne durcisse et ne colle.

• Au four et en gratins

Préférez les pommes de terre à chair fondante comme la Monalisa ou l’Amandine. Utilisez un four à chaleur tournante pour obtenir des pommes de terre bien dorées. il n’est pas nécessaire de les précuire avant de les enfourner. Assurez-vous d’avoir des pommes de terre de même calibre pour qu’elles cuisent de manière homogène. Si vous les coupez, lavez-les et séchez-les pour éviter qu’elles ne collent entre elles. Ne salez qu’à la dernière minute pour conserver leur croustillant.
À l’inverse, si vous souhaitez préparer un gratin dauphinois ne les rincez surtout pas car l’amidon va jouer le rôle de liant entre les pommes de terre et votre gratin aura plus de tenue.

• En frites ou sautées

Le point essentiel est de rincer et de sécher les pommes de terre une fois coupées afin qu’elles soient débarrassées de leur amidon et ne collent pas entre elles. Afin d’obtenir une belle coloration et le bon goût grillé, il est nécessaire de les cuire à haute température pour déclencher la réaction de maillard. Pour la friture, on utilisera une huile d’arachide ou une huile végétale raffinée (tournesol ou maïs). Pour les pommes de terre sautées, on préfèrera un beurre clarifé. Pour la friture, les pommes de terre à chair farineuse type Bintje seront idéales. En revanche, pour les pommes de terre sautées, il faudra favoriser des pommes de terre à chair ferme en raison des manipulations nombreuses qu’elles vont subir dans la poêle. Favorisez la Roseval, la Belle-de-fontenay, ou la Charlotte.

RECETTES pratiques

POMMES DE TERRE SARLADAISES

Pour 4 personnes

Ingrédients :

• 1 kg de pommes de terre à chair ferme type Roseval, la Belle-de-fontenay, ou la Charlotte
• 4 ou 5 c. à s. de graisse d’oie ou de canard
• 1/2 gousse d’ail
• Persil
• Sel

Coupez les pommes de terre en tranches fines (5 mm d’épaisseur) avec une mandoline. Salez-les et faites-les cuire avec la graisse environ 10 min sur feu moyen, sans les faire dorer. Réservez-les si vous souhaitez préparer ce plat à l’avance, ou augmentez le feu, couvrez et poursuivez la cuisson 15 min. Elles doivent à présent dorer et attacher.
En fin de cuisson, ajoutez l’ail et le persil hachés, et servez. Le truc en plus de Roger : il conseille de couvrir les pommes de terre, pour qu’elles attachent, ce qui les rend à la fois moelleuses à cœur et croustillantes à l’extérieur.

GRATIN DAUPHINOIS, POMMES DE TERRE ET FENOUIL

Pour 6 personnes

Ingrédients :

• 1 kg de pommes de terre de type Monalisa ou Amandine
• 1 bulbe de fenouil
• 1 l de lait entier
• 2 gousses d'ail
• 20 g de beurre doux
• 30 cl de crème liquide
• 1 c. à s. de muscade moulue
• 1 c. à c. de sel fin
• Poivre

Laver puis éplucher les pommes de terre et le fenouil. Coupez les pommes de terre en tranches fines (3 mm d’épaisseur) avec une mandoline. Faire de même pour le fenouil. Eplucher une gousse d'ail et l’écraser. Verser le lait dans une casserole, ajouter 1 cuillère à soupe rase de sel fin et la gousse d'ail écrasée et mélanger.

Porter à ébullition, puis y plonger les pommes de terre et le fenouil. À partir de la reprise de l'ébullition, faire cuire pendant 8 minutes. Maintenir à frémissement et mélanger régulièrement pour ne pas que la préparation attache.

Préchauffer le four à 180 °C (thermostat 6). Écraser l'autre gousse d'ail et la frotter sur les parois d'un grand plat à gratin. Le beurrer généreusement. Mettre la crème liquide dans un saladier, ajouter la muscade, poivrer, puis mélanger, et ajuster en sel si besoin.
Égoutter les légumes à l'aide d'une écumoire puis les répartir dans le plat à gratin. Bien tasser puis recouvrir de crème. Enfourner et faire cuire pendant 45 minutes. Si le dessus du gratin colore trop, couvrir d’une feuille d’aluminium en cours de cuisson.

PURÉE DE POMMES DE TERRE

Pour 6 personnes

Ingrédients :

• 1 kg de pommes de terre à chair farineuse de type bintje
• 150 ml de lait
• 100 ml de crème fraîche
• 50 g de beurre demi-sel
• Sel Poivre

Laver les pommes de terre.
Les plonger dans une grande casserole remplie d'eau froide salée. Porter à ébullition et faire cuire pendant 20 à 25 minutes.
Dans une casserole, faire chauffer le lait et la crème sur feu doux.
Egoutter et éplucher les pommes de terre et les passer au moulin à légumes (ou les écraser à l’aide d’un presse-purée).
Verser le mélange de lait et de crème sur les pommes de terre tout en mélangeant à l'aide d'un fouet.
Ajouter le beurre coupé en petits morceaux puis assaisonner de sel et de poivre. Servir sans attendre.
N’hésitez pas à ajouter une pincée de noix de muscade ou de curry pour lui donner une note épicée.

GNOCCHIS AUX POMMES DE TERRE

Ingrédients :

• 500 g de pommes de terre Monalisa, Amandine ou Bintje.
• 100 g de farine + 10 g pour le plan de travail
• 1 œuf battu
• 1 pointe de muscade
• sel et poivre du moulin
• 30 g de pecorino ou parmesan râpé
• 20 g de beurre
• 2 feuilles de sauge

Faites cuire les pommes de terre non pelées dans de l’eau salée 25 à 30 minutes (selon leur taille et leur qualité). Évitez de les surcuire pour qu’elles ne se gorgent pas d’eau. Pelez-les puis écrasez-les quand elles sont encore bien chaudes, à l’aide d’une fourchette ou d’un presse-purée, de façon à ce qu’il ne reste aucun morceau. N’utilisez pas de mixeur qui les rendrait élastiques.
Incorporez la farine, l’œuf et le sel. Mélangez bien, à l’aide d’une spatule, pour obtenir une pâte homogène. Rajoutez un peu de farine si la pâte vous paraît trop molle.
Farinez légèrement votre plan de travail. Formez dans vos mains des petits rouleaux d’un cm de diamètre et découpez-les en tronçons de 3 cm de long. Aplatissez chaque morceau avec le dos d’une fourchette et réservez sur des feuilles de papier absorbant.
Versez les gnocchis dans de l’eau frémissante salée (80-90°C) et laissez cuire 2 minutes maximum (cela dépend de la taille, faites un essai). Pendant ce temps, faites fondre du beurre avec deux feuilles de sauge, un peu de bouillon ou d’eau salée dans une poêle.
Égouttez les gnocchis dans une passoire puis faites-les revenir dans la poêle. Remuez constamment à l’aide du manche de la poêle, sans toucher les gnocchis pour ne pas les abîmer.
Saupoudrez de pecorino ou de parmesan, remuez, assaisonnez et servez.